Le racisme n’est pas une opinion c’est un délit : Inéligibilité !

La République a toujours été et demeure un combat. La France a progressé et rayonné chaque fois qu’elle a porté haut les valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.

Elle est déshonorée chaque fois qu’en son nom ces valeurs sont trahies, défigurées, salies.

Défigurées par l’indécence des inégalités, la violence des discriminations, trahies par l’arrogance du pouvoir de l’argent, salies par le racisme visant à opposer les victimes de l’injustice sociale.

Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit.

On ne peut accepter qu’une personne condamnée pour racisme puisse être candidate à une élection.

C’est une exigence légitime, la République, qui doit être la garante du respect des droits fondamentaux de la personne et du principe d’égalité, ne peut participer d’une banalisation qui y porte atteinte.

Nous réclamons, dans le prolongement de la loi sur la presse et de la loi Gayssot (qui réprime l’incitation à la haine raciale et la négation des crimes contre l’Humanité), que soit rendue inéligible toute personne condamnée pour racisme.


TRIBUNE DE FABIEN ROUSSEL



RÉSOLUTION

Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les députés,

Notre démocratie est d’autant plus vivante qu’elle se nourrit d’une ardente confrontation des idées, dans le respect de nos valeurs républicaines.

C’est ce cadre-là, auquel nous sommes tous fondamentalement attachés, qui permet la plus large liberté d’expression politique. Or depuis de nombreuses années, ce pacte qui nous unit est dévoyé, mis à mal par la banalisation de propos racistes, discriminatoires et antisémites.

Alimenté par les réseaux sociaux, relayés par certains médias et par une accumulation de déclarations publiques, cette banalisation de propos racistes menace notre société, menace des citoyens agressés à cause de leur couleur de peau, de leur origine,  ou de leur religion.

Le constat, hélas, n’est pas nouveau. Dès 2015, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU s’inquiétait de la banalisation du discours haineux en France à l’égard des minorités, notamment des Roms.

Ces dernières années, ce sont les actes contre nos concitoyens musulmans ou juifs qui ont progressé.

Les chiffres sont tristement éloquents. Ils marquent une inquiétante progression des propos racistes et antisémites.

Sur l’année 2020, pourtant marquée par le confinement, le conseil français du culte musulman a  enregistré une progression de 53% des actes anti-musulmans commis sur notre sol par rapport à 2019.

De son côté, le service de protection de la communauté juive, s’il se réjouit d’une légère baisse des actes antisémites en 2020 par rapport à 2019 et 2018, déplore une explosion de 121% de ces actes entre 2017 et 2019.

Mais les chiffres ne disent pas tout. La diffusion décomplexée des discours de haine a libéré des organisations d’extrême droite, identitaires, racistes, suprémacistes, que l’on croyait renvoyées pour longtemps aux oubliettes de l’histoire.

Le réveil est  brutal, comme nous pouvons tous le mesurer, dans la vie quotidienne, où des ministres, des parlementaires ou des joueurs de foot, des artistes sont comparés à des singes, ou nos concitoyens musulmans sont associés au terrorisme, ou des synagogues, des tombes sont tagués par des croix gammes, quand ce n’est pas le portrait de personnalité comme Simone Veil. Nous avons aussi en mémoire les tirs d’un ex candidat du FN contre la mosquée de Bayonne et faisant deux blessés graves. 

Dernièrement, à Arras, ce sont des militants d’extrême droite qui ont déployé, devant la façade de la section locale de mon parti, une banderole reprenant le sigle d’un groupe terroriste auteur de multiples attentats dans le monde.

L’un de ces délinquants portait un tee-shirt orné d’une tête de mort de la Waffen SS de l’unité spéciale chargée de la gestion des camps de concentration. Ce genre d’épisode, misérable, est loin d’être isolé. Mon parti a ainsi subi pas moins de 29 dégradations similaires en deux ans.

A chaque fois, ces évènements suscitent l’indignation générale des citoyens, des associations, d’anciens combattants et de déportés, des élus de tous bords, de gauche et de droite, rassemblés pour refuser cette idéologie, comme nous le fîmes, tous ensemble, dans la Résistance et pour la libération du pays. 

Pourtant, les propos racistes et antisémites perdurent dans le débat public et libèrent la parole comme les actes.

Le 23 novembre dernier, 13 hommes, fiché S, membres du groupe d’extrême-droite « Recolonisation la France » ont été arrêtés, par la Direction générale de la sécurité intérieure et l’office central de lutte contre les crimes de haines. Sur les réseaux sociaux, ce groupe appelait à former des unités armées, dans la perspective d’une guerre civile causée par l’immigration.

Ce climat, je le répète avec force,  est une menace pour notre démocratie. C’est pourquoi nous devons non seulement être extrêmement vigilants sur les propos tenus dans l’espace public, mais aussi d’une fermeté totale à l’égard de ceux qui transgressent nos lois.

Dans cette bataille, les élus se doivent d’être en première ligne, irréprochables, exemplaires.

La question n’est pas nouvelle.

C’est la raison pour laquelle, au fil des récentes affaires qui ont traversé notre vie politique, et sur lesquelles je ne reviens pas, des peines complémentaires d’inéligibilité se sont imposées dans la loi. Elles sont notamment prévues dans les cas de manquement au devoir de probité, de corruption, de trafic d’influence, de fraude fiscale ou électorale.

Des élus, des responsables politiques nationaux, des ministres ont été sanctionnés, et c’est tant mieux. La justice a fait son travail. Qui accepterait qu’un responsable politique condamné pour détournement de fond puisse se présenter aux élections ?

La même sanction complémentaire d’inéligibilité existe aussi pour les délits d’injures ou de violences à caractère raciste, antisémite ou homophobe, d’apologie du terrorisme, de négationniste ou de participation à des associations dissoutes.

Au début de ce mandat, le Parlement s’était emparé de cette question en adoptant un amendement dans le projet de loi pour la confiance de la vie politique mais pour rendre automatique cette sanction. C’était une courageuse initiative. Mais le Conseil constitutionnel l’a invalidée en raison du caractère justement automatique de la peine.

La Proposition de résolution que nous vous soumettons évite cet écueil. Elle ne prétend pas créer de nouvelles dispositions mais tout simplement de rappeler la loi, toute la loi, rien que la loi ! Et la loi du 29 juillet 1881, modifiée par la loi Gayssot du 13 juillet 1990, prévoit en effet, dans son article 24, de sanctionner d’une peine complémentaire d’inéligibilité les auteurs d’infractions racistes ou discriminantes.

Par cette résolution, nous vous proposons d’envoyer un message fort, unanime, républicain, afin de garantir un débat public, sans propos xénophobe.

Entendons-nous : il ne s’agit pas, avec cette résolution, de brider la liberté d’expression, mais au contraire de la protéger de ceux qui la pervertissent. 

Il ne s’agit pas non plus d’interdire aujourd’hui qui que ce soit de se présenter à l’élection présidentielle.

Il y a des règles, notamment lié à la présentation de 500 parrainages et c’est au conseil constitutionnel de vérifier si toutes les conditions sont remplies.

Et concernant l’inéligibilité, ce sont les juges qui décident ou pas de prononcer cette peine complémentaire , y compris dans les procès à venir, et quelque soit d’ailleurs le vote de cette résolution.

Ce que nous voulons, par un vote unanime, c’est envoyer le message ferme, simple, clair que dans notre pays, les propos racistes et antisémites sont bannis du débat public et peuvent rendre inéligible ceux qui les prononcent.

A quelque mois d’élections importantes, montrons aux français que nous pouvons avoir un débat qui mette en évidence nos différences mais sans jamais tomber dans l’outrance.

D'ailleurs, quelle image enverrait notre Assemblée si elle rejetait aujourd’hui cette proposition de résolution ? 

Que l’expression du racisme relèverait de la liberté d’expression ? Que pour elle l’incitation à la haine peut figurer dans le débat public sans que cela ne lui pose le moindre problème?

Alors je m’adresse aux députés de la majorité et des Républicains, : Attention aux messages que vous allez renvoyer. Car si cette résolution est rejetée, vous enverrez un mauvais signal, un message grave, oui grave car il exprimerait l’idée que la parole raciste et antisemite n’entraîne pas de peine plus grave qu’une simple amende .

 

Mes chers collègues,

L’objectif porté par le présent texte, peut, je le crois profondément, nous réunir très largement, dans la diversité de nos opinions. 

 

Je vous remercie.

 

Fabien Roussel, député du Nord,

Paris, le 2 décembre 2021.