Écrivain et prix Goncourt de 2007 

"J’ai découvert Fabien Roussel en interview et j’ai été frappé par sa parole claire et ferme, ancrée sur les fondamentaux de la gauche. Cette voix de gauche fidèle manquait depuis tant d’années – j’ai aussitôt promis de le soutenir.
Fabien Roussel a raison : il faut laisser aux populistes de tous bords la chanson noire du désespoir. Laissons-leur le commerce de ces passions tristes que sont la haine de l’autre, le mépris de classe, le repli sur soi, le goût de la violence, les liaisons dangereuses avec le religieux : c’est sur nos peurs qu’ils amassent, c’est les faiblesses d’un peuple désuni qu’ils prospèrent. Ils revendiquent la liberté, l’égalité, jamais la fraternité.
Il faut laisser aux technocrates leur cynisme et leur parler creux – ces gens qui disent résilience parce que le beau mot de résistance leur fait peur. Qui, en guise de morale, ne connaissent que le chacun pour soi. Qui disent liberté et pensent marché, dérégulation, privatisation. Pour qui l’égalité, c’est une TVA au même taux pour tous, riches et pauvres. Qui chantent à tout va la grandeur de l’éducation et démolissent l’école publique en épuisant, en humiliant le corps enseignant.
Oui, on veut le bonheur. C’est même ça que l’on cherche, toute sa vie. Ce bonheur passe par l’amélioration des conditions réelles de l’existence, le besoin de se nourrir, de se loger, de respirer un air sain, de se soigner. Il passe par la liberté d’aimer, le désir de créer et cette nécessité supérieure d’apprendre, d’où que l’on vienne et quel que soit son âge.
On veut le bonheur, c’est l’au-delà de la révolte, le sens même du combat : on ne baisse pas les bras sur ce grand chantier de vivre. Et on travaille, oui, à des jours plus heureux."