Ma responsabilité, c’est de convaincre les abstentionnistes, ceux qui ont le cœur rouge et qui sont noirs de colère.

L'équipe de campagne

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Il est lancé, le candidat communiste à la présidentielle. Contrairement à 2012 et 2017, le PCF ne s’efface pas derrière Jean-Luc Mélenchon. Fabien Roussel est déterminé à aller au bout. Portrait de celui qui se voit comme « l’Eliot Ness de la politique »...

Fabien Roussel de 3/4

Le Parisien
PLe 23 mai 2021 à 06h58

 

Qu’est-ce qui fait courir Fabien Roussel ? Cet ancien coureur de fond, élu début mai, par les militants communistes, pour les représenter lors de la prochaine présidentielle, est lancé dans une épreuve hybride, à la fois marathon et course de haies. Il a suffi de sept années pour que cet ex-journaliste de 52 ans, reporter baroudeur en Afrique et en Asie, élu pour la première fois, en 2014, conseiller municipal de Saint-Amand-les-Eaux - « la ville où j’ai grandi, où je vis et où je mourrai » - puis député en 2017, soit propulsé à la tête du parti de Maurice Thorez puis choisi pour concourir à la magistrature suprême.

Une carrière éclair donc mais que l’enfant du bassin minier du Nord, entré en politique pour défendre la libération de Nelson Mandela, devenu permanent du parti, veut poursuivre contre vents et marées. « Je sais que je vais être la cible d’une volée de flèches acérées pendant ma campagne », reconnaît Roussel qui en rirait presque si sa colère n’était intacte. « Je mène depuis plus de deux ans un tour de France et les visages que j’ai croisés ne cessent de me hanter, de me nourrir, insiste-t-il. Mon combat c’est celui du monde ouvrier, celui des usines, bien sûr mais aussi de tous ceux, salariés du privé comme fonctionnaires et même les petits patrons, qui ne peuvent plus vivre du fruit de leur travail. »

«Moi je reste loyal à mes engagements et à mes convictions»

Mais, comment Roussel peut-il y croire encore alors que les électeurs boudent le parti ? Aucun eurodéputé en 2019, un peu plus d’élus communistes dans les conseils municipaux l’an dernier mais la perte de villes emblématiques et probablement pas une région conquise le mois prochain… Pourquoi se battre encore alors que les coups de couteau les plus féroces sont assénés par ses propres alliés. Par Jean-Luc Mélenchon qui n’a pas hésité à barrer la route à son concurrent pour 2022 alors qu’il s’apprêtait à prendre la tête d’une liste d’union - hors écologistes — dans les Hauts de France. Un Roussel vilipendé aussi par certains écologistes qui ne voient en lui que l’incarnation d’une économie productiviste. Comment tenir, enfin, quand au sein même du parti communiste, des compagnons de route comme Stéphane Peu ou Marie-George Buffet ou des plus jeunes comme Elsa Faucillon, préfèrent soutenir Mélenchon ?

« Jean-Luc et les Insoumis n’arrêtent pas de me viser, et alors ? sourit Roussel. C’est vrai que nous avons des différences sur le maintien du nucléaire, le soutien aux policiers parce que la sécurité, c’est dans les quartiers populaires qu’on en ressent le plus besoin et le rôle de l’Etat qui est trop important dans le programme des Insoumis. Les Verts ? La crise économique et écologique, on ne la résoudra pas sans reprendre le pouvoir à la finance. Quant à certains de mes amis… Moi, je ne vais pas entrer dans ce jeu-là, moi je reste loyal à mes engagements et à mes convictions », martèle celui qui « ira jusqu’au bout en 2022.

« Encore une fois, on sonne la mort du parti communiste, s’enflamme Roussel. Mais est-ce que le vent de l’Histoire c’est le capitalisme qui autorise les 358 000 Français les plus riches à s’accaparer plus de mille milliards d’euros ? Si je reste communiste c’est pour lutter contre de telles inégalités ! Les banquiers qui organisent les paradis fiscaux ? En prison ! Je veux lutter contre la corruption, être l’Eliot Ness de la politique !

Une gouaille et de la sincérité

Donc avec Roussel, le « PC is back » ? En tout cas, c’est la rupture avec les deux présidentielles de 2012 et 2017 où le parti s’était effacé derrière Mélenchon. « Fabien Roussel a redonné ses couleurs au parti communiste, reconnaît Patrick Kanner, président des sénateurs socialistes et souvent adversaire du communiste dans le Nord. Il a une gouaille et une sincérité qui fait oublier ce qu’il est réellement, un homme d’appareil. » Quant au risque, en se présentant en 2022, de contribuer à l’éparpillement de la gauche et à sa défaite ? « Un PC fort, c’est un partenaire fiable, veut croire Kanner. Je crois à l’union de la gauche avec le PC plus qu’avec d’autres partis. Notre alliance est inscrite dans notre ADN, depuis le programme commun de 1972. »

D’autres élus de gauche sont plus sceptiques. « Roussel est le chouchou des médias et il se prend de plus en plus pour la grenouille de la fable. Or, le rapport de force reste en notre faveur », prévient un député PS. « Il ne faudrait pas qu’il retrouve le langage de Georges Marchais, celui de la vieille gauche anticapitalisme », souligne un autre élu socialiste. Ces critiques, Roussel les balaie catégoriquement. « Mes adversaires, ce ne sont ni Mélenchon, ni Hidalgo ni Jadot, mais Macron, Bertrand et bien sûr Le Pen, assure ce fils d’un ancien journaliste de l’Huma. En 1981, c’est grâce à Georges Marchais et ses 15 % au premier tour de la présidentielle, que l’Impôt sur la fortune a été institué en France. Ma responsabilité, c’est de convaincre les abstentionnistes, ceux qui ont le cœur rouge et qui sont noirs de colère. » Vaste programme.

 

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